Gonzalo Guerrero

Focus sur un personnage historique

Statues du chef Gonzalo Guerrero et de la princesse maya Zazil Há ainsi que de leurs enfants, Musé National d’anthropologie de Chetumal, Mexique – en espagnol : los padres del mestizaje

Le père du métissage

Dans un monde déchiré par le racisme et les discriminations, au sein d’une histoire qui a vu nombre d’atrocités et de guerres, certaines parties de l’histoire sont trop souvent oubliées. Des parties de l’histoire qui, pourtant, devrait nous inspirer davantage et nous faire comprendre ce qu’est l’interculturalité.

Ce bout d’histoire peut souvent évoqué, a eu lieu au Mexique, un pays qui a pourtant souffert de nombreuses guerres civiles, souvent provoquées par le lourd tribut hérité du colonialisme. Il n’y a qu’à citer La Guerra de las Castas, une guerre civile qui a jadis opposé les populations Mayas aux populations descendantes des colons espagnols dans la péninsule du Yucatán, actuel Mexique.

Pourtant, c’est en son sein qu’est né le père du métissage : Gonzalo Guerrero. Ce fut au Mexique qu’apparurent les premiers métisses (métisses non issues d’un viol ou d’une grossesse non désirée) tout comme la première union volontaire d’un simple soldat espagnol et d’une princesse Maya.

Repères historiques

Bien que les premières traces remontent à plus de 3000 ans avant JC, la civilisation maya a vécu son apogée entre le IIème siècle après JC et le VIIIème siècle. Cette civilisation est notamment connue pour ses avancées en matière d’éducation, d’art, d’agriculture, de mathématiques et d’astronomie. Il s’agit d’une des civilisations les plus importantes en Amérique avec les Aztèques plus au nord, et les Incas plus au sud. Bien qu’elle partageât la même langue et la même religion, cette civilisation était en réalité divisée en de nombreuses tributs, considérées comme des citées état.

Ce n’est que bien plus tard, lorsque la civilisation maya est en plein déclin, que les Espagnols se lancent à la conquête de leurs territoires, après avoir vaincu les Aztèques en 1521. Et bien que les Mayas du Yucatán leur opposent une farouche résistance, ces derniers parviennent à prendre la dernière ville Maya en 1697. L’avancée technologique présentant certes un avantage, mais les maladies importées d’Europe et inconnues des indigènes ayant fait une grande partie du travail.

Du soldat espagnol au prince maya

Gonzalo Guerrero, né en Espagne en 1470 est l’exemple parfait patriote. Dès sa jeunesse, il intègre l’armée espagnole et sert en tant qu’arquebusier durant la conquête de Grenade qui mit fin à la Reconquista. Quelques années plus tard, sa mission achevée et après quelques missions à Naples, il décide de suivre Diego de Nicuesa en Amérique en tant que marin, afin d’y mener cette fois-ci la Conquista. C’est ainsi qu’en 1515, alors que que le bateau espagnol dirigé par Francisco Niño, qui devait acheminer des esclaves et de la marchandise depuis la ville de Santa María (actuelle Colombie) à Saint-Domingue, est victime d’une tempête et fait naufrage dans la péninsule du Yucatán, au large des côtes de l’actuel Mexique.

Le peu de survivants ne le reste pas très longtemps puisque le petit groupe est victime d’une attaque Maya, menée par la tribu des Cocomes. Malgré tout, quelques espagnols parviennent à s’échapper avant de tomber nez à nez avec une seconde tribu Maya : les Tutul Xiu, ces derniers étant également ennemis des Cocomes. Les quelques personnes ayant survécus sont toutes sacrifiées à l’exception de Gonzalo Guerrero et d’un second marin : Franciscain Gerónimo de Aguilar et sont quant à eux, faits esclaves.

Mais c’est lorsque Gonzalo Guerrero gagne l’estime du chef des Tutul Xiu, le dénommé Taxmar, qu’il parvient à reprendre la main sur son destin. En effet, Gonzalo apprend aux Mayas différentes stratégies de guerres, mais également différentes techniques d’attaques leur permettant de se défendre contre les européens. Ayant gagné la confiance du chef de tribu, ce dernier décide de le confier au chef maya Na Chan Can, haut responsable militaire et intellectuel. Guerrero adopte alors totalement la culture maya dont il avait déjà appris la langue aux côtés de Taxmal. C’est lorsque Guerrero sauve la vie d’un guerrier, que celui-ci est finalement affranchi. C’est alors en tant qu’homme libre qu’il gravit les échelons et qu’il devient lui-même chef des guerriers. C’est alors sous ce statut qu’il épouse la princesse maya Zazil Há, et qu’il accepte de nombreux tatouages et mutilations caractéristiques de la culture maya. Guerrero reste tout de même le seul à s’intégrer et Aguilar persiste à rester fidèle à sa religion et sa culture espagnole.

C’est en 1519 qu’un conquistador espagnol apprend que deux espagnols sont prisonniers des autochtones, et envoie donc une missive afin de tenter d’obtenir leur libération. C’est ainsi qu’Aguilar avec l’accord de son maitre parvient à rejoindre les troupes espagnoles. Mais c’est sans grande surprise que Guerrero refuse, expliquant qu’il possède désormais une vie au sein de la tribu, dont une femme et des enfants, et qu’il ne peut les abandonner. Les Espagnols se montrant particulièrement hostiles, il n’hésite d’ailleurs pas à combattre ses anciens compatriotes auprès des mayas, gagnant ainsi le surnom de renegado, signifiant traître en espagnol. La tête de Guerrero étant de plus en plus prisé, les Mayas font courir la rumeur selon laquelle ce dernier serai mort d’un accident, mettant ainsi fin à cette chasse à l’homme. Ce n’est que quelques années plus tard que Guerrero finit par succomber, lorsque celui-ci est grièvement blessé lors d’un combat opposant encore une fois les mayas aux espagnols.

Gonzalo Guerrero est ainsi le père des premiers métis. Considéré pendant longtemps comme un traître par les Espagnols, il est reconnu après l’indépendance du Mexique comme un héros et un symbole de l’interculturalité. L’histoire de Gonzalo Guerrero est notamment très peu connue du monde occidental. Il s’agit pourtant d’un événement marquant de l’histoire, un événement qui montre qu’une entente, pacifique et réciproque entre deux civilisations complètement différentes était possible.

Malak LADRAA

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