Maladies chroniques

Un handicap invisible

Partie 1

De nombreuses personnes en France et dans le monde entier souffrent de handicaps invisibles, mais dont les conséquences sur la vie personnelle et professionnelles se font ressentir à chaque instant. Se lever provoque une douleur, bouger devient un effort, et se concentrer devient presque impossible.

Aujourd’hui, il est nécessaire de donner la parole aux personnes souffrantes de handicaps invisibles. Partager ses expériences et ses ressentis, tout en rassemblant une communauté de personnes qui souffrent des mêmes symptômes sont nécessaires à la mise en place d’un bien-être collectif et d’une sensibilisation.

De nombreux handicaps invisibles existent, et parmi eux, les douleurs chroniques.

Rédactrice au sein du journal Worldwide ISIT, Laurie Le Roux a obtenu l’accord de quelques élèves de l’ISIT afin de rassembler leurs témoignages et révéler les douleurs invisibles dont plusieurs personnes souffrent en silence.

Bienvenue à Worldwide ISIT. Ravie que ce projet t’intéresse et que tu acceptes de parler ouvertement des douleurs chroniques. Pour commencer, pourrais-tu te présenter ?  

Bonjour, je m’appelle Sabine Labat et je suis en troisième année en RICM. Je souffre de douleurs chroniques depuis 2019, lorsqu’on a découvert que j’avais deux vertèbres fracturées (tassement de vertèbres) et que mes os du cou, bien que tous alignés, n’étaient pas à la « bonne place ». Ce 31 décembre, j’ai appris qu’aujourd’hui ce diagnostic ne convainc pas totalement d’autres spécialistes et qui souhaiteraient que je passe à nouveau des examens.

Note : Un tassement de vertèbre est une fracture de celle-ci. Parmi les causes majeures de diagnostic : grave accident de voiture, chute d’une hauteur élevée ou l’ostéoporose, qui touche principalement les femmes à partir de 65-70 ans.

A partir de quel moment les douleurs se sont-elles fait ressentir ? Quels sont les symptômes que tu ressens le plus souvent ?

En 2019 donc, je pratiquais la danse contemporaine de manière assez intensive. Après une compétition, j’ai commencé à avoir un peu mal au dos, douleur semblable à des courbatures. Je n’ai donc pas fait attention et j’ai continué de danser. Cependant les douleurs augmentaient au fil des jours, s’étendant à l’entièreté de ma colonne vertébrale et se propageant dans mon bras gauche jusqu’au bout des doigts. J’en pleurais en cours, mais sous la pression de ma prof de danse et des prochaines compétitions, je continuais de danser. Après un énième séjour à l’infirmerie du lycée, direction les urgences.

Les médecins étaient alors convaincus que c’étaient des courbatures mais me firent quand même passer une radio. Ils sont alors revenus partiellement choqués, me demandant si j’avais subi un grave accident de voiture ou une chute de plusieurs mètres. Ils me mirent immédiatement sous Tramadol, un opioïde, semblable à la morphine. Aujourd’hui, malgré la remise en question du diagnostic établi en 2019, je prends toujours ce même médicament.

Quelles ont été les solutions envisagées ? Quels sont tes moyens de lutter contre les crises ?

j’ai effectué des séances de kiné pour tenter d’apaiser les douleurs, sans succès. Je vis donc avec cette douleur depuis 4 ans. Celle-ci s’étend du bas de ma colonne à l’arrière de mon crâne. Le corps humain est très bien fait et il s’est « habitué » à la douleur. J’arrive souvent à l’oublier mais elle est toujours là. Elle m’empêche de danser à nouveau, de reprendre la gymnastique, sport que j’ai fait pendant 12 ans, et de pratiquer la plupart des sports, à l’exception de la natation. À cette douleur constante s’ajoute ce que j’appelle des « crises », qui ont lieu tous les 3 à 6 mois. Je suis alors sous Tramadol, au lit et je me tords littéralement de douleur ou bien alors je suis « ailleurs », dû aux effets secondaires du médicament. Chaque crise dure environ une ou deux semaines.

Le Tramadol est connu pour ses effets secondaires néfastes. Prendre ces médicaments a-t-il des répercussions sur ta vie privée et professionnelle ?

Vivant seule, j’ai donc été plusieurs fois confrontée au dilemme de prendre ce médicament ou non, car si jamais il m’arrivait quelque chose (chute, vomissements…) dû aux effets secondaires de celui-ci, personne ne pourrait m’aider. Cela me met également dans une situation délicate pour les candidatures de stage : comment dire à un possible futur maître de stage que je risque d’être absente plus d’une semaine d’un jour à l’autre ?

Est-il facile de parler des douleurs chroniques aux autres ? Quelles ont tendance à être leur réaction ?

le rapport aux autres qui est compliqué : certains ont dit que j’étais une « petite nature » car je ne peux pas faire certaines activités, certains professeurs m’ont dit que ce n’était « que dans ma tête ». On m’a même dit que je n’avais pas l’air d’avoir mal au quotidien. Il m’est également compliqué d’en parler à mes amis car ceux-ci sont directement gênés, le sujet plombe le moral de tout le monde.

 Il m’est bien plus facile d’en parler avec des personnes qui souffrent elles aussi de douleurs chroniques, car très souvent, elles rencontrent aussi les mêmes difficultés que moi. Il n’y a alors ni pitié, ni gêne, juste de la bienveillance et beaucoup de soutien.

Quelle est ta situation médicale actuelle ?

Aujourd’hui, mon cas est toujours dans l’errance médicale, encore plus qu’auparavant, ce qui, comme je l’ai dit, est très frustant : après 5 ans, je souhaiterais enfin connaitre la cause de ces douleurs. Je vais donc continuer de passer des examens médicaux. Je me pose beaucoup de questions sur mon entrée sur le monde du travail et sur mon avenir, car je n’ose imaginer l’état de mon dos dans quelques décennies. En attendant, mes crises n’ont jamais eu lieu pendant les semaines de partiels, ce qui est déjà une victoire – mais je ne sais jamais quand elles peuvent survenir.

Je te remercie pour ton temps et ton témoignage. En espérant que ton dossier médical évolue et que d’autres solutions puissent te venir en aide.

Laurie Le Roux

Avec la très aimable participation de Sabine Labat

Si vous souffrez d’un handicap invisible et souhaitez témoigner, veuillez contacter le journal Worldwide ISIT à l’adresse mail suivante : isit.worldwide@gmail.com

Laisser un commentaire